SPOTLIGHT GIULIA ZORZI PRÉSENTE I WISH THE WORLD WAS EVEN

À l’occasion de Meeting Point, rendez-vous saisonnier organisé avec la MEP, The Eyes a eu le plaisir de recevoir quatre chroniqueurs, qui ont partagé leurs coups de coeur et découvertes photographiques du moment. Retour sur l’un d’entre eux.

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« I wish the world was even »  de Matteo Di Giovanni  

Artphilein, 2019

 

Micamera

Événement The Eyes, Meeting Point / MEP

16/07/2019

spotlight : giulia zorzi présente « i wish the world was even » de matteo di giovanni

 

Giulia Zorzo est la fondatrice de Micamera, qui soutient des projets photographiques à Milan. 

 

I wish the orld was even est un journal de voyage. En 2015, le photographe italien Matteo Di Giovanni a voyagé de Milan au Cap Nord (Norvège) et retour en voiture, coupant l’Europe à la verticale.

Presque 4 ans séparent ce livre de ce périple : pendant ce temps d’édition, il a fallu prendre plusieurs décisions, souvent difficiles. Par exemple, nous avons décidé de ne pas inclure de personnes. Pendant les deux mois qu’a duré le voyage, Matteo di Giovannni a bien évidemment rencontré et photographié des gens, et il n’était même pas parti seul sur les routes. La raréfaction de la présence humaine est le résultat d’un second travail – un travail qui est aussi un voyage, peut-être plus important que celui sur la route – et trouve un écho dans l’expérience d’avancer vers le Nord, et dans les faits de ce voyage, alors que Matteo décide à un moment de se séparer de son compagnon de route et de poursuivre seul.

Il ne restait donc que lui, une caméra, un 6×7 et l’équipement nécessaire pour shooter dans des conditions météos extrêmes – les températures baissaient et les heures de soleil réduisaient. Lors des longues périodes d’obscurité, quand photographier était impossible, Matteo s’adonnait à la recherche, un habitude qu’il a prise depuis longtemps, quand son travail relevait plus du reportage et de l’enquête journalistique. Pendant ces heures, il tenait aussi un journal, et les courts textes lyriques qui accompagnent les images dans le livre sont tirées de ce journal.

 

Qu’est-ce que cela signifie, de voir le monde à travers les yeux de Matteo? C’est d’être toujours en immersion dans le paysage, et de le voir s’étendre le long des routes. Nous apprenons à prendre de la distance par rapport à ce qui apparait devant nos yeux, à n’être ni trop près, ni trop loin, une sorte de distance de sécurité qui permet de voir les choses sous un autre angle. Cette distance nous montre aussi la curiosité du photographe à mieux regarder, à s’approcher. Les images montrent des barrières et des obstacles qui surgissent constamment, mais sont toujours surmontés.

 

Le livre comporte une section en noir et blanc, qui représente une dimension onirique. Le réveil n’est pas plaisant, quelque chose a changé. La route est soudainement bloquée : il faut trouver une autre direction, réinventer le chemin. A ce moment du livre, il devient clair que le voyage est intérieur, et que le paysage n’est plus qu’un prétexte.

La séquence se clôt sur une question : « Jusqu’où penses-tu que je puisse aller? », à côté d’une image de la route, prise du côté, où la terre est déconnectée.

 

Ce travail est fondé sur une revendication politique : le droit d’un individu de retrouver une vie qu’il aimait après un traumatisme.

En 2011, alors qu’il travaillait sur un projet photographique en Bosnie, Matteo di Giovanni fut victime d’un accident de la route, auquel il a survécu. En sortant de son coma, il avait été amputé d’une jambe. En 2015, Matteo n’avait pas les ressources pour se procurer une prothèse, alors que le procès était toujours en cours, et il l’est toujours.

Sa réaction face à la possibilité d’abandonner la photographie suite à ce changement de condition physique a été de réaffirmer son droit et son désir de photographier et retourner à un métier qu’il aimait. Nous avons décidé de le soutenir.

En 2015 nous avons eu l’idée d’un projet, nommé « Reaching the Cape », un voyage qui serait l’occasion pour Matteo de se tester. Nous avons pu trouver un sponsor pour la prothèse et nous avons lancé avec succès un Kickstarter pour financer le voyage. À travers son travail, Matteo a pu redevenir un photographe et affirmer un nouveau style qui reflète une nouvelle relation au monde et aux espaces qui l’entourent.

 

Le livre, conçu par Emiliano Biondelli, devait sortir à l’automne 2018 chez l’éditeur allemand Peperoni Books. Quand son fondateur Hannes Wanderer est décédé en septembre 2018 – une perte immense pour le monde de la photographie »-, I wish the world was even devait surmonter un autre obstacle. Il est finalement sorti en mai 2019, chez l’éditeur suisse Artphilein Editions.

Ce livre ne révèle pas l’histoire derrière le travail. Seule une brève note à la fin explique comment le livre relate l’expérience d’un traumatisme, ainsi que l’effort de le dépasser. C’est un sentiment que nous partageons tous et c’est la raison pour laquelle le livre fonctionne si bien : il nous atteint tous.

 

Le titre, I wish the world was even, est un désir impossible devenu réalité.