Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, l’Arménie transite entre deux états. Un nouveau modèle se façonne, mais il est impossible de l’identifier tant sa forme est mouvante. Deux décennies se sont pourtant écoulées et le pays évolue toujours en marge, selon ses propres règles, dans sa propre temporalité.
Une situation qui se répercute sur le plan iconographique : l’Arménie contemporaine semble en dehors du flux des images. Les documents qui illustrent le développement actuel de cette jeune république sont absents, manquants, voire dissimulés. Le présent semble éludé par l’aspiration à un futur qui serait plus prometteur. Les Arméniens sont un peuple ancien qui vit dans un pays indépendant depuis vingt-cinq ans; ils évoluent dans un environnement en mutation où tout continue sans que rien de définitif ne se produise.
Dans ces conditions, l’investigation visuelle est confrontée à ses propres limites. Comment documenter ce qui n’est pas encore advenu? Comment témoigner de l’histoire à venir et de la mémoire d’un pays en train de se former ?
L’écriture photographique devient ici réflexive et nous interroge sur ce que peut une image. Les documents qu’elle produit – actuellement sans fonction – demeurent des réceptacles pour héberger une nouvelle histoire. Comme le territoire qui les inspire, ils sont dans l’attente d’un développement et suggèrent que l’inachevé est le théâtre d’une multitude de possibles. Cet ensemble d’images constitue les archives fictives d’une mémoire en construction.
