Dans leur livre Jours de destruction, Jours de Révolte (Days of Destruction, Days of Revolt), le journaliste Chris Hedges et le dessinateur Joe Sacco vont à la rencontre des américains habitant les zones sinistrées par un système capitaliste impitoyable. Ils nous emmènent dans les lieux sombres des États-Unis où survivent les laissés-pour-compte de la société. En cinq chapitres ils nous décrivent la catastrophe économique, sociale et écologique entraînée par la surexploitation des terres et des hommes.
Le deuxième chapitre porte sur le déclin de la ville de Camden dans le New Jersey. En banlieue de Philadelphie, depuis le départ des grands groupes industriels, la ville n’est plus qu’un champ de ruines à la merci des gangs et du trafic de drogue. Une descente aux enfers depuis la fin des années 1950, à laquelle participent largement les politiciens corrompus acceptant moult pots-de-vin et détournements d’argent.
Un peu plus tard, le photographe français Jean-Christian Bourcart, qui vit aux États-Unis, décide à son tour de se rendre à Camden pour s’y faire sa propre impression. Dans son livre Camden, récompensé par le Prix Nadar, il montre l’âpre quotidien des habitants de cette ville classée la plus dangereuse des Etats-Unis en 2009 et 2010.
« Ceci est absurde. Je viens de fouiller le web pour la ville la plus dangereuse aux Etats-Unis. Je voulais redécouvrir cette énergie étrange que vous ressentez dans les endroits où les règles et contraintes sociales ont été affaiblies ou supprimées » : c’est ainsi que le photographe débute la présentation de sa série. Et de poursuivre : « Un sentiment de liberté mélangé au danger. Je voulais savoir s’il était encore possible de se rapprocher des autres personnes, peu importe la distance, quelle que soit leur apparence. Camden, New Jersey, à deux heures de la ville de New York, et juste en face de Philadelphie, était en tête de liste. J’ai découvert le visage de la pauvreté ordinaire caché derrière les stigmates et les stéréotypes. Les gens de Camden sont difficiles mais leur rire est sincère. Après avoir été volé par une prostituée, elle m’a donné dix dollars pour pouvoir rentrer chez moi ».
Largement récompensés et publiés, ces récits écrit et graphique puis photographique apparaissent très complémentaires et constituent de puissants vecteurs d’une réalité ignorée des puissants et délaissée par les médias. Le dialogue que nous proposons entre ces différentes formes d’écritures, déjouant les préjugés et décloisonnant les chapelles, participe de notre recherche de nouveaux formats pour à nouveau stimuler l’attention des citoyens sur les vrais visages du monde.
