« A London boy, oh a London boy, your flashy clothes are your pride and joy »
Photos de Carlotta Cardana
Texte de Jean-Marie Orhan
Les origines du mouvement mod se trouvent dans le Londres de la toute fin des années 1950, lorsque certains jeunes gens commencèrent à s’exprimer à travers leurs tenues vestimentaires et leur musique. Ces jeunes adolescents nantis, plongés dans l’ennui d’une Angleterre terne qui se rétablissait encore de la guerre de leurs parents, puisèrent leur inspiration chez les musiciens de jazz et les vedettes de cinéma. Ils s’habillaient impeccablement et faisaient la fête toute la nuit au son de la musique noire américaine et jamaïcaine, parant de couleurs et d’effervescence la monotonie des villes britanniques. Ils faisaient swinguer Londres. Le travail de Carlotta Cardana expose des couples qui s’habillent en 2014 comme en 1964. Carlotta Cardana se décrit comme une «photographe portraitiste et documentaire ». Son environnement naturel? Les laveries de New York, les poubelles et les usines autogérées en Argentine ; elle photographie avec un regard critique mais toujours respectueux les Indiens d’Amérique vivant dans les réserves ou les immigrants italiens en Grande-Bretagne. Son travail est social et politique. D’où peut alors provenir son intérêt pour ces jeunes obsédés par leur apparence et qui semblent vivre dans le passé ?
Les mods ne s’habillent pas comme Kanye et ne dansent certainement pas comme Miley. Ils ne regardent pas « X Factor » et ne téléchargent pas les derniers titres standardisés de musique pop. L’esthétique des mods s’oppose franchement à la société d’aujourd’hui et permet aussi à ces individus d’échapper au système de classes encore incroyable- ment présent en Grande-Bretagne : ils n’arborent ni le Barbour ni la capuche.
Mais, surtout, Cardana propose plusieurs niveaux de lecture : l’individu dans son environnement, l’individu dans son couple, la relation du couple avec l’environnement (de son choix) et avec la photographe. Ces photographies révèlent aussi le positionnement de l’auteur par rapport aux domaines de la photographie de mode et du portrait de famille traditionnel. Son intelligence repose sur sa capacité à interroger le monde autour d’elle, et à être à l’écoute des réponses. Son travail ici est donc bien d’ordre politique.