En découvrant la séquence de portraits et paysages en noir et blanc du jeune photographe bulgare Martin Atanasov,d’emblée on est saisi par l’atmosphère ténébreuse qui s’en dégage. Si la sensation de mélancolie est évoquée par le titre, « Blue » – comme dans l’expression « avoir du bleu à l’âme » – la juxtaposition de l’image d’un singe que l’on devine enfermé derrière une vitre à celle d’un corps plié en deux par la souffrance peut traduire le tourment de l’existence.
Les visages et les corps au langage esthétique inspiré des codes de la représentation propres à l’icône religieuse soulignent la formation de peintre et de graveur du photographe et suggèrent une vision personnelle de la condition humaine. Nous avons alors quelques clés pour décrypter le symbolisme dont est paré le travail de Martin Atanasov.
« L’être humain et son univers tient un rôle central dans mon travail, parce que je crois que la meilleure façon de parler de la réalité et du siècle dans lequel nous vivons est d’essayer d’expliquer et de comprendre l’être humain contemporain. » Cette présence hante le paysage au sens propre comme au figuré. On croit déceler une forme humaine pétrifiée, un amoncellement de crânes à la place de cailloux, un entrelacs d’ossements ou de membres disloqués comme des racines enchevêtrées dans les sous-bois, ailleurs on perçoit une colonne vertébrale à flanc de colline qui semble faire corps avec le paysage strié des rides d’un visage d’outre-tombe, ou encore un vol d’oiseaux figés en attendant d’être pris pour cible. Le personnage errant seul dans les bois fait penser à la figure de l’ermite, celui qui a choisi un mode de vie en retrait pour mieux s’isoler des maux de la société. Il semble nous faire signe de la main pour nous guider vers ses découvertes macabres.
Ces photographies conservent pourtant leur mystère, et fascinent par leur étrange pouvoir de séduction-répulsion, mais aussi par la maîtrise de la lumière, qui d’un coup de flash électrise les regards et rend ces portraits insaisissables.
