Le Sujet Photographique au-delà de la Mort
Marwan T. Assaf
Le Sujet Photographique au-delà de la mort dans les œuvres de Nan Goldin
et Julia Margaret Cameron
Partant des réflexions du philosophe kenyan John Mbiti autour de la croyance africaine du Sasa et Zamani, « Le Sujet Photographique au-delà de la mort dans les œuvres de Nan Goldin et Julia Margaret Cameron » est un essai du collectionneur Marwan T. Assaf, qui explore à travers les oeuvres des deux photographes la relation à la mort, le souvenir des défunts et leur absence.
« Quand le sujet d’une photographie meurt, celle-ci devient une image post-physique, parce qu’elle ne représente plus un corps physique présent sur Terre. Désormais, la photographie ne correspond plus qu’aux souvenirs du défunt dans l’esprit de ceux qui l’ont connu. Le disparu est mort physiquement mais demeure symboliquement en vie dans les souvenirs, maintenant porté par une photo. L’image elle-même est une extension de la mémoire.«
Marwan T. Assaf
Dans son essai, Marwan T. Assaf emprunte la symbolique d’une tradition africaine qui classifie les personnes disparues selon deux étapes successives, le Sasa, temps durant lequel la personne disparue est encore présente dans la mémoire des personnes qui l’ont entourée, et le Zamani, dans lequel la personne décédée a disparu de la mémoire des vivants.
L’auteur y développe une analyse du rôle du portrait et de la mémoire face à la question de la disparition, et invite à mieux appréhender les différentes approches du portrait dans les pratiques photographiques.
Assaf fait ainsi dialoguer les portraits du grand poète anglais Alfred Tennyson, capturés par Julia Margaret Cameron, et les portraits de Cookie Mueller, amie proche de la photographe Nan Goldin. Les premiers sont très composés selon la tradition du portrait classique, et issus de temps de poses longs, propres aux débuts de la photographie, contrairement à ceux de Goldin, capturés sur le vif et en couleurs un siècle après ceux de Cameron à l’aide d’un appareil moyen format plus souple.
Les sujets de Cameron et de Goldin ont physiquement disparu, mais sont à différentes étapes de la mort dans le théâtre silencieux de la photographie, qui devient le lieu de la mise en scène du Sasa et du Zamani.
À propos de l’auteur
Marwan T. Assaf est collectionneur d’art et commissaire d’exposition, titulaire d’un Master en Art Contemporain du Sotheby’s Institute of Art à Londres en 2006. Il est chercheur, mécène des arts, et siège dans plusieurs comités de musées.
Il vit à Beyrouth.
Extrait Introduction Marwan T. Assaf
« Comment une théorie qui a vu le jour dans une culture peut-elle se transposer dans une autre ? J’ai découvert le concept africain que l’on appelle en swahili Sasa etZamani, au hasard de mes lectures dans une librairie londonienne. J’ai tout de suite été fasciné par cette approche, par la croyance qu’il existe différents états de l’être, dans la vie comme dans la mort.
En tant que chercheur et collectionneur, j’ai toujours été intéressé par les symboles de la mort dans l’art. J’ai découvert ce concept dans les années 2000. A cette époque il y avait un engouement pour tout ce qui touchait à la mort, un phénomène culturel que j’appelle la “thanatomanie”. La mort était partout sous forme de crânes et d’os dans l’art, la mode et les bijoux. On aurait dit que l’esprit du temps avait décidé de revivre cette époque au xvii e siècle qui avait donné naissance en Hollande aux peintures que l’on appelle Vanités,
avec leurs crânes et leurs symboles de mort. «
Extrait
« Cookie Mueller nous fixe d’un regard d’outre-tombe de ses yeux perçants. L’essence de cette femme, couronnée reine de l’underground est immortalisée par son amie, la photographe et artiste américaine Nan Goldin. Flamboyante, pleine de vie, subversive, Cookie est morte en 1989. »